On s’interroge souvent sur l’historicité de l’un ou l’autre des personnages de la Bible.

C’est souvent une question à laquelle il est difficile de répondre.

Pas que pour la Bible d’ailleurs. De manière générale, un historien de l’antiquité dit :

« Est-ce que tel personnage dont j’entends parler, dans tel ou tel rouleau, livre, manuscrit, tablette, qui a traversé les siècles, est-ce que ce personnage a vraiment existé ? ».

Souvent la réponse est : on n’en sait strictement rien. Certains personnages de la Bible sont mentionnés en dehors de la Bible. Je pourrais parler d’un certain nombre de rois d’Israël, de Juda, qui sont mentionnés en dehors de la Bible.

Même David d’ailleurs, est attesté en dehors de la Bible. On a trouvé une stèle, qui ne le mentionne pas lui spécifiquement, mais sa dynastie sa maison, la maison royale de David. Donc, on peut dire « Oui, peut-être qu’effectivement il a existé ». Mais même si David a vraiment existé, est-ce que cela veut dire que tout ce qu’on nous raconte sur le roi David est vrai ?

Les deux épisodes qui racontent la façon dont il s’est retrouvé à la cour du roi Saül, d’un côté on nous dit qu’il est musicien, d’un côté on nous dit qu’il est guerrier, qu’il va tuer le géant Goliath.

Est-ce que ces épisodes sont vrais ? Surtout quand on sait que dans le livre de Samuel, on nous dit qu’en fait c’est un des guerriers de David qui a tué le géant Goliath.

Donc on se demande si, à un moment donné, on n’aurait pas pris cette histoire du géant Goliath et on l’aurait attribuée à David. Donc peut-être que ce n’est pas historique.

En fait, même si un personnage a vraiment existé ça ne veut pas dire que tout ce qu’on nous dit sur ce personnage dans la Bible est historique.

Donc, d’une certaine manière, c’est une question à laquelle on ne peut pas répondre.

Abraham n’est pas mentionné en dehors de la Bible, mais peut-être qu’il a existé.

Moïse n’est pas mentionné en dehors de la Bible, mais peut-être qu’il a existé.

La plupart des personnages de la Bible ne sont pas attestés en dehors de la Bible. En même temps, c’est assez classique qu’un personnage de l’antiquité ne soit pas attesté dans des sources contemporaines épigraphiques.

Ponce Pilate, par exemple : ça n’est que dans les années 70 que l’on a découvert presque par hasard une mention sur un mur de sa résidence à Césarée. Donc, on se dit « Oui, finalement, il a peut-être vraiment existé ce Ponce Pilate ». C’est aussi parce que c’est un personnage qui avait une position d’autorité.

Jésus, par exemple, n’avait pas de palais. Donc, quand les gens disent « Est-ce qu’il a vraiment existé ou pas ? », en fait, assez souvent, on n’a pas de mention contemporaine dans l’archéologie de ces personnages, et c’est assez classique comme situation, et tout ce qu’on peut faire, c’est étudier les traditions sur ces personnages.

En tant qu’historien de l’antiquité, on ne va pas pouvoir dire si Abraham a existé ou pas.

Il n’y a pas de mention d’Abraham. Et même s’il y en avait une, ce pourrait être un homonyme.

Moïse : pareil. Son nom est peut-être un nom égyptien, qu’on retrouve dans d’autres noms comme Ramsès, le « msès » de Ramsès. Donc, même s’il a existé, cela veut-il dire que ce qu’on nous dit est vrai ou pas ? C’est là la limite des sciences de l’antiquité et de ce que l’historien peut dire.

Comme on n’a pas de preuves en dehors de la Bible, des gens ont une position extrême et disent : « Ils n’ont pas existé ». Il y a des gens qui vont avoir des positions extrêmes. Il y a des gens qui vont dire : « Ils ont tous existé. Tous les personnages ont existé, même s’il n’y a pas de preuve de leur existence ». D’autres vont dire au contraire : « A partir du moment où il n’y a pas de preuve de leur existence, ils n’ont pas existé ».

Et même quand on a des preuves de leur existence, ils n’ont peut-être quand même pas existé ».

Le roi Mesha, par exemple, roi moabite de l’autre côté du Jourdain, qui est mentionné comme ça, en passant, dans le deuxième livre des Rois, on a trouvé une stèle érigée par lui, dans laquelle il se vante d’avoir eu la victoire sur Israël et sur Juda, dès que cette stèle a été découverte à la fin du 19ème siècle il y a tout de suite eu des gens qui ont dit : « Ah, non, elle est fausse ! ». C’est un faussaire, c’est une supercherie.

Donc personnellement, en tant qu’historien, je vais forcément être prudent, je ne vais pas dire : « Oui, il a existé » « Non, il n’a pas existé ». Je vais dire : « Voilà ce qu’on sait, ce qu’on peut dire surtout sur l’époque, sur ce qui se passe, ce qu’on sait sur la vie, sur la religion, sur la société, est-ce une période qui correspond, qui éclaire le texte biblique ? ».

L’historicité des personnages eux-mêmes, en tant qu’historien, en général, on ne peut pas en dire grand-chose. Ce n’est finalement pas très grave puisque n’oublions pas que la Bible est avant tout un texte théologique.

Ceux qui ont écrit les textes bibliques, si on leur posait la question, je ne sais même pas s’ils seraient convaincus de l’historicité ou non de ces personnages, de savoir quels sont les épisodes de la Bible qui sont censés rapporter des faits réels ou qui sont censés être des fables.

Dans le livre des Juges, on nous raconte que les arbres ont marché, sont allés voir un arbre, l’olivier, pour lui demander d’être roi. A aucun moment on nous dit : « C’est une fable ». Le lecteur qui lit ce texte se dit : « Non, les arbres ne marchent pas, ne parlent pas, sauf dans « Le seigneur des anneaux », donc cet épisode n’a pas eu lieu ».

Et puis, à côté, ils vont lire l’épisode de Jonas qui est englouti dans un poisson, et là certains vont se dire : « Ce n’est pas possible, donc cet épisode n’a pas eu lieu ». D’autres vont dire : « Si, ça a vraiment eu lieu ». En fait, c’est le lecteur de la Bible qui doit déterminer, parce que souvent le texte ne précise pas si ce que l’on nous dit est historique ou fictif, ou une fable, s’il estime que cet épisode est historique ou pas.

Chacun décide pour lui-même, mais, au final, quelle différence cela fait-il ?

Ce qui compte, que ce soit un récit historique ou un récit fictif, dans tous les cas il y a un message. C’est bien pour cela, quand on raconte une fable, quand on raconte une histoire, dans tous les cas on a un message à faire passer. Et pour moi, c’est ça qui compte.

C’est d’arriver à saisir le vrai message que l’auteur a voulu nous transmettre.

Production : Fondation Bersier
Réalisation : Jean-Luc Mouton
Invité : Michael Langlois

Cette vidéo est une rediffusion du 18 février 2018.