27.08.2023 : Mt 16.13-20 – Confession de Pierre

La construction de l’Église

Introduction

Ce récit est un des tournants de l’Évangile puisque c’est la première fois qu’un disciple déclare que Jésus de Nazareth est le Christ de Dieu.

La scène se déroule à Césarée de Philippe, une région peuplée en majorité de païens. Le fait d’être sur une terre étrangère est en cohérence avec la succession des séquences depuis le début du chapitre 15 (redéfinition de la pureté – rencontre avec la Cananéenne – Guérisons à caractère messianique – Seconde multiplication des pains – signe de Jonas) qui vont toutes dans le sens d’une ouverture qui déborde les frontières religieuses d’Israël.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Simon, fils de Jonas

Quand Pierre confesse que Jésus est le Christ, C’est le seul passage des évangiles dans lequel Simon est appelé fils de Jonas, à peine quelques versets après que Jésus a déclaré aux pharisiens et aux sadducéens qu’il ne leur sera pas donné d’autre signe que le signe de Jonas (Mt 16.4).

Nous pouvons interpréter le signe de Jonas dans le sens du livre qui porte son nom qui affirme que Ninive, la ville étrangère, est pardonnée quand elle se tourne vers Dieu, ce qui correspond à une ouverture du salut de Dieu à toutes les nations.

Simon est bien fils de Jonas lorsqu’il confesse Jésus comme Christ au moment où ce dernier transgresse les frontières religieuses d’Israël.

Qu’est-ce qu’un prophète ?

À la première question de Jésus sur ce que disent les gens à son sujet, les disciples donnent différentes réponses : Jean – Élie – Jérémie – un prophète. Ces quatre réponses vont dans le même sens. Dans la pensée rabbinique, la prophétie s’est arrêtée lorsque le peuple s’est doté d’une instance capable d’interpréter la parole : le sanhédrin. Le retour de la prophétie est le signe de la venue imminente du Messie.

Dire que Jésus est un prophète, c’est reconnaître qu’il est un envoyé de Dieu mais pas encore le messie, car les temps messianiques sont marqués par la libération définitive du peuple de Dieu.

Pistes d’actualisation

1er thème : Qui est Jésus de Nazareth ?

Jésus répond à Pierre qu’il est le fondement de l’Église au moment où le disciple déclare que son maître n’est pas seulement un prophète, mais qu’il est le fils du Dieu vivant, c’est-à-dire qu’il le Dieu créateur du ciel et de la terre venu planter sa tente au milieu des humains.

Depuis ce texte, la confession de foi de base de l’Église est l’affirmation que Jésus est Christ. Il n’est pas simplement un sage qui a mieux compris que les autres qui est Dieu, il est Dieu lui-même qui par amour est venu se donner pour les humains.

2e thème : La béatitude de Pierre

Après que Pierre a confessé la foi, Jésus déclare : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas. Le mot heureux est celui des béatitudes.

On peut faire la comparaison entre le disciple Pierre et Jean le Baptiseur. Au bord du Jourdain, Jean a reconnu à Jésus une dimension messianique (Mt 3.11), mais quelque temps plus tard il a des doutes, car Jésus ne correspond pas à son attente : il attire, mais il déroute ; il guérit les foules, mais il les renvoie ; il enseigne, mais il transgresse la loi ; il parle de Dieu, mais il s’oppose aux religieux de son temps. Jean n’attendait pas un Christ sur le modèle des béatitudes, mais d’un messie victorieux.

En confessant ce Jésus déroutant comme fils de Dieu, Pierre a l’intuition que l’homme des béatitudes est bien le Christ qu’il attendait, c’est pourquoi Jésus le déclare heureux. Heureux celui qui reconnaît dans celui qui va être crucifié, le sauveur que Dieu a envoyé dans le monde.

3e thème : Le fondement de l’Église

Tu es Pierre, et sur cette pierre, je construirai mon Église. L’interprétation habituelle de cette parole est que l’Église est construite autour de ceux qui se reconnaissent dans l’apôtre Pierre. Le problème est que dans le passage qui suit, Pierre va être traité de Satan (v.23). On voit mal Jésus bâtir son Église sur celui qu’il va être traité de Satan.

Une autre lecture est possible. L’Église n’est pas bâtie sur Pierre en tant que personne, mais sur Pierre en tant que disciple qui confesse Jésus comme Christ. L’Église est fondée sur tous ceux qui confessent cette foi-là. Historiquement, l’Église a été fondée sur le témoignage des apôtres dont Pierre était le premier.

Une illustration : La résistance de l’Église

Les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre l’Église.

En commentaire de ce verset, Jacques Ellul, dans son livre La subversion du christianisme, passe en revue toutes les trahisons de l’Église dans l’histoire.

Elle aurait eu toutes les raisons de disparaître, et pourtant dans son dernier chapitre, il termine sa démonstration en affirmant la résistance de l’Évangile face aux perversions de l’Église : « Et pourtant cette Église démantelée, divisée, mensongère, traîtresse, elle existe toujours, et elle existe non pas du tout en tant qu’institution ou organisation, mais malgré cela, elle existe quand même en tant que corps de Christ, et en tant que vraie Église. Et pourtant cet Évangile, cette Révélation, trahis, bafoués, accaparés, détournés, pervertis, ils existent toujours comme Révélation du seul Dieu… ils continuent à inspirer des vies que Dieu reconnaîtra comme vraies. »

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis