03.09.2023 : Mt 16.21-27 – Première annonce de la passion

Le prix de la suivance

Introduction

Le premier verset de notre séquence dit que Jésus commença à montrer à ses disciples. Maintenant que les disciples l’ont reconnu comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus commence à préciser les formes de la messianité qu’il incarne.

Il ne suffit pas de dire que Jésus est Christ, il faut encore ne pas se tromper de Christ !

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Jésus rejeté par les religieux

Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes. Ce ne sont pas Judas, Pilate ni Hérode qui sont à l’origine de la croix – ils n’en sont que les instruments – mais les anciens, les grands prêtres et les scribes, c’est-à-dire les religieux.

Un adage latin dit corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur donne le pire. Quand quelque chose de très bon se pervertit, il ne devient pas un peu moins bon, mais il relève du pire.

Dans l’histoire l’Église a parfois généré le meilleur, mais il lui est arrivé de susciter le pire.

Pierre rabroue Jésus

Après avoir déclaré que Jésus est Christ, Pierre le rabroue lorsque ce dernier annonce sa passion. Il a encore besoin de conversion pour aller jusqu’au bout de la parole qu’il vient de prononcer.

Jésus vient d’annoncer que son disciple est la pierre angulaire de l’Église, et maintenant il le traite de Satan car Pierre n’est pas prêt à accueillir la perspective de la croix.

La parole est dure, mais elle est vraie. Trop souvent dans l’histoire, quand elle a été autre chose que servante, l’Église a plus vécu selon la logique du Satan que celle de l’Évangile.

Pistes d’actualisation

1er thème : Pourquoi fallait-il la croix ?

Pourquoi fallait-il que Jésus souffre beaucoup ? C’est la question la plus difficile de la théologie qui est au cœur du mystère de la foi chrétienne. Être chrétien, c’est entendre que le Christ, le Fils du Dieu vivant a été rejeté par les religieux, qu’il a souffert et qu’il a été tué. Toute construction théologique qui ne part pas de ce fondement est infidèle à la révélation biblique.

En réponse à cette question, nous trouvons dans le Nouveau Testament trois réponses.

  • Une interprétation théologique qui dit le jusqu’au bout du don de Dieu. Or voici comment Dieu, lui, met en évidence son amour pour nous : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs (Rm 5.6-8)
  • Une interprétation sacrificielle qui dit la radicalité du pardon de Dieu. Le pardon est un acte qui a été posé et sur lequel nul ne peut revenir.
  • Une interprétation éthique qui opère un renversement des valeurs de notre monde. La logique de la croix c’est que Dieu est vainqueur en étant écrasé, c’est pourquoi ce sont les petits qui sont les grands, les serviteurs qui sont les maîtres, les derniers qui sont les premiers.

2e thème : Pierre et Satan

Lorsque Pierre rabroue Jésus quand il annonce sa passion, il se fait traiter de Satan. Le Satan n’est ni Pilate qui a ordonné la croix, ni Judas qui l’a permise, mais Pierre, le premier des disciples.

Dans le récit de la tentation, le diable avait proposé à Jésus la satisfaction de ses envies, le pouvoir et le succès. Pierre tient le même discours que le Satan lorsqu’il cherche à éloigner Jésus de la croix.

Toute théologie qui met à la première place la satisfaction de ses envies est plus une Église du Satan qu’une Église du Christ des évangiles.

3e thème : Le prix de la suivance

Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Être disciple d’un Christ crucifié a un coût : se renier, se charger de sa croix et le suivre.

Se renier, ce n’est pas abandonner son humanité, mais renoncer à être le centre de sa vie, renoncer à se donner à lui-même le sens de sa vie, mais accepter de le recevoir d’un autre.

La voie du disciple est le changement qui consiste à passer de la situation où le sujet est au centre, et où le Christ est un des éléments de son existence, à la situation où le Christ est au centre. Ne plus se poser la question de savoir qui est le Christ pour moi, mais qui suis-je pour le Christ ?

Comme l’a écrit la philosophe Simone Weil à propos du chemin de la foi :  « Il faut se déraciner. Couper l’arbre et en faire une croix, et ensuite la porter tous les jours. »

Une illustration : À chacun sa croix

La croix est la charge que le disciple doit porter en fidélité à sa vocation.

Dans un monastère, un moine cordonnier se plaignait dans sa prière de son travail ingrat : « Je passe mes journées dans cet atelier poussiéreux, je respire l’odeur du cuir moisi et tout mon art consiste à réparer de vieilles sandales. Je sais bien que chacun doit porter sa croix, mais la mienne ne me convient pas ! »

Dieu lui propose de l’emmener au ciel, dans le lieu où les croix sont entreposées afin qu’il choisisse celle qui lui convient. 

Le moine essaye les différentes croix, mais il trouve qu’elles sont toutes particulièrement pénibles à porter. Après de nombreux essais, il finit par en trouver une qui lui convient. Il la présente au gardien des croix qui dit un avec un petit sourire : « Tu as choisi la croix que tu as déposée en arrivant. »

Nous devons vivre dans l’assurance que Dieu nous donne la force de porter la croix qui est la nôtre.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis