Pour le philosophe, la conscience de notre mortalité est la singularité de notre humanité.

Nous le savons, mais nous avons toujours besoin de l’apprendre tant nous avons tendance à l’oublier.

Il suffit pour s’en rendre compte de tendre l’oreille. De quoi les gens parlent-ils dans les dîners en ville, de quoi sont-ils fiers ? De leurs vacances magnifiques, de leur réussite professionnelle, des personnes importantes qu’ils fréquentent, des spectacles qu’ils ont vus… Ceux qui ont accompagné des hommes et des femmes en fin de vie ne les entendent jamais parler de leurs vacances ni de leur consommation, mais des combats qu’ils ont menés et de ceux qu’ils ont aimés. L’expérience de la mort nous éloigne du futile pour nous confronter à l’essentiel.

Certains veulent nous faire croire que pour échapper à l’angoisse de la mort, le mieux est d’y penser le moins possible. Je pense à l’inverse que la pensée de la mort nous renvoie à l’extraordinaire de la vie. La tradition de sagesse parle de la meditatio mortis, méditation de la mort, qui consiste à penser à notre mortalité pour nous aider à donner du poids à chacune de nos journées.

Pendant une trentaine d’années, j’ai eu le privilège de présider environ cinq cents cérémonies d’enterrement. Certaines ont été magnifiques, d’autres sordides. Souvent, elles ont été l’occasion de rencontres authentiques, car devant la mort on ne triche pas. Cette expérience m’a inspiré une quinzaine de nouvelles que j’ai rassemblées dans un recueil qui vient de paraître[1]. Campus protestant propose une vidéo dans laquelle je présente ce travail.

J’ai souvent pensé en écrivant ces nouvelles au philosophe Paul Ricœur qui disait dans son grand âge qu’il ne voulait pas être considéré comme un moribond, mais comme un agonisant, du verbe agôn qui signifie combattre. Jusqu’à la fin, il a voulu être un combattant pour la vie. J’ai écrit ces nouvelles comme un hymne à la vie.

[1] Des nouvelles de la mort, Antoine Nouis, éditions Olivétan, 2019, 176 p. 17,50 €.