Puis va voir ce que cela donne quand, comme Thomas Hobbes, on choisit «l’extrémité étatiste du spectre théologico-politique» où «César est Dieu ou, ce qui revient à peu près au même, son seul et unique représentant».

Article publié dans le numéro 2022/2 de Foi&Vie.

Introduction : des données bibliques hésitant entre principe pétrinien et principe paulinien

«Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» (Matthieu 22, 21). Qui ne connaît cette formule de Jésus? Si cet impératif est à ce point célèbre, c’est que sa postérité est immense. L’on peut presque dire que vingt siècles de réflexion sur le problème théologico-politique constituent en quelque sorte l’exégèse de cet unique verset. L’approche chrétienne du politique ne peut en effet occulter cette question: «Qu’est-ce qui relève de César? Qu’est-ce qui relève de Dieu?» – d’autant plus que Jésus n’y apporte pas de réponse claire et incontestable. La réflexion théologico-politique vise principalement à déterminer les prérogatives respectives de César, c’est à dire de l’État (1), et de Dieu, dont la présence au monde est généralement associée à l’Église. Aborder le problème théologico-politique nécessite donc de s’interroger sur les relations entre l’État et l’Église. Le verset cité amène à se poser cette série de questions: «L’État dispose-t-il d’une légitimité théologique? Si oui, laquelle? Comment l’État est-il inclus dans le plan de Dieu? Comment le chrétien doit-il considérer l’autorité étatique?». C’est à ces différentes questions que nous essayerons de répondre en présentant les propositions théologiques, souvent divergentes, parfois contradictoires, de plusieurs auteurs.

De fait, il existe un réel conflit d’interprétation sur le sujet. À un courant absolutiste défendant le fondement divin de l’autorité étatique s’oppose un courant anarchiste chrétien qui fait du caractère exclusif de l’obéissance à Dieu un motif pour refuser l’obéissance à l’État. Mais, avant de présenter plus en détail ces différents courants, il convient de préciser que cette diversité de propositions théologico-politiques, voire cet antagonisme irréconciliable entre ces courants opposés, s’ancre dans la pensée biblique elle-même.

La Bible propose en effet une appréciation à maints égards paradoxale du pouvoir étatique. Le Nouveau Testament se caractérise par une opposition entre ce qu’il est coutume d’appeler le principe pétrinien et le principe paulinien. Dans les Actes des apôtres, alors qu’il est convoqué par le Sanhédrin, l’autorité religieuse et dans une moindre mesure politique de la Judée du Ier siècle ap. J.-C., l’apôtre Pierre affirme qu’«il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» (Actes 5,29). L’obéissance […]