L’évangile du dimanche 10 décembre

Introduction

2e dimanche de l’avent, premiers versets de l’évangile de Marc.

Chaque évangile a un commencement différent. Matthieu décline la généalogie de Jésus, Luc explique les raisons de son entreprise, Jean fait une déclaration théologique sur l’incarnation, Marc annonce un évangile, une bonne nouvelle qui est celle de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Chaque mot de ce verset mérite une prédication.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Commencement de la bonne nouvelle de Jésus :

Le premier mot est le même que celui qui ouvre le Premier Testament : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Le mot commencement est temporel : ce qui est au début, mais aussi théologique : ce qui est au principe. Le principe de ce que Marc veut nous transmettre est que le message de Jésus Christ est un évangile, une bonne nouvelle.

Lorsque le message de l’Église n’est pas une bonne nouvelle, ce n’est plus l’évangile de Jésus-Christ.

Ponctuation citation Ésaïe :

Le verset 3 cite le livre d’Ésaïe à propos du Baptiseur : C’est celui qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Le passage du livre d’Ésaïe propose une ponctuation différente : « Quelqu’un crie : Dans le désert, frayez le chemin du Seigneur ! Aplanissez une route pour notre Dieu dans la plaine aride ! » (Es 40.3). Il n’y a pas de ponctuation en hébreu comme en grec, mais le rythme de la phrase plaide pour la ponctuation d’Ésaïe. Le baptiseur ne crie pas dans le désert (le verset suivant dit avec un peu d’emphase : Toute la Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui), il dit que c’est dans le désert que se prépare le chemin du Seigneur. Cette ouverture a une valeur programmatique : l’Évangile appelle les habitants au désert, il les appelle au changement de comportement.

Pistes d’actualisation

1er thème : La référence à l’exil

La citation d’Ésaïe est l’introduction de la seconde partie du livre qui évoque le retour d’exil. Dans l’histoire du Premier Testament, l’exil a été un temps d’épreuve, mais aussi un temps de reconfiguration spirituelle et théologique puisqu’Israël a été conduit à trouver les chemins de la fidélité alors qu’il avait perdu sa terre et le temple où il célébrait les sacrifices. C’est dans la période de l’exil qu’ont été rédigés et rassemblés les principaux textes qui ont formé une ébauche de canon. Quand on n’a plus de temple pour retrouver Dieu, on se concentre sur le livre et l’étude. En inscrivant la prédication du baptiseur dans le registre de l’exil, l’évangile de Marc évoque son évangile comme un nouvel exil, une nouvelle reconstruction théologique et religieuse.

2e thème : Le changement de comportement.

Jean prêche un baptême de changement radical. Le changement radical, metanoia, signifie le changement (meta) de notre intelligence (noûs). Le mot noûs évoque plus que la faculté de comprendre, il signifie la mentalité, le siège de la volonté et de la réflexion, le lieu de la pensée et du sentiment. La metanoia correspond à un changement du logiciel dans notre façon de voir le monde. Le chemin de conversion est le long chemin qui conduit à voir et comprendre le monde, les gens et les choses, comme le Christ les voit et les comprend. Tous les jours nous avons besoin de reconfigurer notre logiciel en fonction de l’Évangile.

3e thème : Il vient derrière moi.

Si toute la Judée et tous les habitants de Jérusalem vont écouter le Baptiseur, ce dernier pourrait s’attacher ceux qui viennent se faire baptiser. Au lieu de cela, il renvoieà un autre, le Christ.

On pense au retable d’Issenheim où le Baptiseur désigne le crucifié avec un index disproportionné. Le vrai disciple est celui qui désigne par sa vie et ses paroles un autre que lui-même. La plus belle phrase du Baptiseur se trouve dans le quatrième évangile : Il faut que lui croisse et que, moi, je diminue (Jn 3.30).

Une illustration

À propos du changement de comportement, un commentaire rabbinique raconte qu’avant la création, Dieu, comme un bon architecte, a commencé par dessiner le plan du monde qu’il se proposait de créer afin de vérifier s’il était viable. Mais aucun des plans qu’il faisait ne tenait debout, tous les mondes qu’il dessinait s’écroulaient sur eux-mêmes. Au bout de vingt-six essais infructueux, Dieu a eu l’idée de créer le changement de comportement, et enfin le monde qu’il a dessiné ne s’est pas effondré. Selon cette interprétation, c’est le changement de comportement qui fait que le monde tient debout. Sans la repentance – qui est cette capacité de s’arrêter, de regarder le chemin parcouru, de s’apercevoir qu’on a fait fausse route, de faire demi-tour et de repartir – le monde explose.



L’épître du dimanche 10 décembre

2 Pierre 3.8-14 – Le temps de Dieu et le nôtre

Le contexte – L’épître de Pierre face au retard de la parousie 

La deuxième épître de Pierre est l’écrit le plus récent du Nouveau Testament. En raison des thématiques développées, les commentaires la situent au début du deuxième siècle.

On pourrait lui appliquer la remarque d’Alfred Loisy qui a dit : « Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est arrivée. » L’auteur de cette épître fait face au découragement dû au retard de la parousie, de la venue du règne de Dieu.

Des prophètes de mensonges se sont introduits dans l’Église et profitent du désarroi des fidèles pour justifier une vie dépravée : ils séduisent, par les convoitises déréglées de la chair… ils leur promettent la liberté, alors qu’ils sont eux-mêmes esclaves de la pourriture – car chacun est l’esclave de ce qui le domine (2 P 2.18-19).

En outre, ils se moquent de la position traditionnelle des apôtres : Où est la promesse de son avènement ? Car, depuis que les pères se sont endormis dans la mort, tout demeure comme depuis le commencement de la création (2 P 3.4).

Que dit le texte ? – Le temps de Dieu et celui de nos impatiences

L’auteur de la seconde épître de Pierre répond en disant que le retard de la parousie n’est pas dû à une faiblesse de Dieu, mais que nous sommes dans le temps de sa patience, et que pour le Seigneur un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour (2 P 3.8). Derrière cette relativisation du temps, nous trouvons une spiritualisation du thème de la venue du Christ. 

Puisque le Seigneur vient, même s’il se fait attendre, l’auteur de l’épître exhorte ses interlocuteurs à rester fermes dans la foi.

Ce passage est un appel à l’espérance et un encouragement pour rester dans la fidélité. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Un nouveau commencement

L’évangile de Marc commence par le mot commencement qui évoque un temps nouveau. C’est cette irruption d’un temps nouveau qui est au centre de ce temps de l’avent.

Quel que soit l’âge de nos artères ou celui de notre conversion, nous sommes invités à vivre notre foi aujourd’hui comme l’accueil d’un temps nouveau, parce que pour Dieu un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Même si nous avons mille ans d’attente derrière nous, aujourd’hui est le premier jour de notre foi.

C’est aujourd’hui que le Seigneur vient à nous, c’est aujourd’hui que nous devons croire, c’est aujourd’hui que nous devons espérer, c’est aujourd’hui que nous devons aimer. Selon le slogan, c’est aujourd’hui le premier jour du reste de notre vie, un jour nouveau fait par le Seigneur.

Le mot pour évoquer le temps de Dieu est le kairos, le temps où ils se passe quelque chose. Même si le Christ se faite attendre c’est aujourd’hui le kairos de Dieu, un kairos pour notre vie.

Le texte du Premier Testament du dimanche 10 décembre

Esaïe 40.1-11 – Une voix crie dans le désert 

Le contexte – Le deuxième Ésaïe 

Nous sommes au commencement de la deuxième partie du livre d’Ésaïe.

La fin du chapitre précédent annonçait la déportation à Babylone qui a été un temps de reconstruction religieuse puisque le peuple a appris à développer une fidélité en terre étrangère, en l’absence de temple et de prêtres, en s’appuyant sur la mémoire et la prière.

La deuxième partie du livre d’Ésaïe se trouve à la fin de la période de l’exil, lorsque le Seigneur annonce que la période de désert va toucher à sa fin et qu’une nouvelle histoire va commencer. 

Que dit le texte ? – La fin de l’épreuve

L’exil est un temps d’épreuve, mais l’épreuve touche à sa fin : Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, criez-lui que son combat est terminé (v.1-2). Ce verset évoque un kaïros de Dieu, un temps où Dieu intervient dans l’histoire de son peuple.

Cette annonce prend la forme d’une voix qui crie : Dans le désert, frayez le chemin du Seigneur ! Aplanissez une route pour notre Dieu dans la plaine aride ! (v.3). Le peuple est dans le désert de l’exil, mais dans son désert il entend une voix qui lui crie qu’un nouveau temps commence, que le Seigneur va intervenir en faveur de son peuple, que l’espoir est permis.

Ce verset sera repris dans les quatre évangiles pour évoquer le ministère de Jean le Baptiseur avec une ponctuation différente : les évangiles écrivent : C’est celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ! (Mc 1.3). 

La promesse de ce passage est que le Seigneur va de nouveau faire paître son peuple, rassembler son troupeau, prendre soin des brebis qui allaitent (v.11).

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Un nouveau commencement

Le premier mot de l’évangile de Marc est : Commencement. Es 40 évoque un autre commencement qui est un temps de renouveau, de reconstruction et de consolation. 

Avec la venue de Jésus, une nouvelle étape est franchie dans la relation entre Dieu et son peuple. 

Dans notre situation de vie, nous pouvons nous sentir comme en exil par rapport à ce que nous avons attendu et espéré. Face à nos épreuves et nos déceptions, nous sommes invités à entendre que le Seigneur est le Dieu de toutes les consolations et qu’il prépare pour nous un temps nouveau.

L’histoire biblique ne cache rien des épreuves subies par l’humanité (on peut évoquer le déluge, l’esclavage en Égypte et la déportation à Babylone), mais chacune de ses épreuves a été suivie d’un relèvement (la promesse à Abraham, l’exode et le retour d’exil). Nous devons rester attachés à l’espérance d’un Dieu qui n’abandonne pas son peuple, même dans ses exils.

Parce que le Christ est venu dans notre monde, nous n’avons pas le droit de désespérer. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Florence Taubmann, Antoine Nouis