05.12.2021 : Luc 3.1-6 – Jean le prophète de Dieu

Jean et la prophétie d’Ésaïe…

Introduction

Le premier dimanche de l’avent évoquait une sorte de fin du monde avec des signes cosmiques et l’appel à prier. Le récit était plutôt inquiétant, c’est pourquoi le deuxième dimanche évoque une espérance avec l’arrivée imminente du Seigneur.

Les quatre évangiles sont d’accord pour commencer le ministère public de Jésus avec la personne de Jean le baptiseur qui accomplit l’appel d’Ésaïe à préparer le chemin du Seigneur.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Le politique et le religieux

Luc en bon historien prend soin d’inscrire le commencement du ministère public de Jésus dans le temps : La quinzième année du gouvernement de Tibère César – alors que Ponce Pilate était gouverneur de la Judée… et du temps des grands prêtres Anne et Caïphe. L’empereur, le procurateur et le grand prêtre.

L’Évangile n’est pas un message hors-sol, il s’incarne dans l’histoire dans un pays et dans un temps particuliers.

Pilate et Caïphe présentent le politique et le religieux. À la fin de l’évangile, Pilate condamnera Jésus à mort à l’instigation du grand prêtre Caïphe.

Titre : Jean, figure de prophète

La parole de Dieu parvint à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. L’expression la parole de Dieu parvint est utilisée pour évoquer l’appel des prophètes dans le Premier Testament (Jr 1.2, Jo 1.1, Mi 1.1). Cette filiation prophétique avait été annoncée dans l’hymne de Zacharie qui avait dit dans son cantique à propos de son fils : Et toi, mon enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; car tu iras devant le Seigneur pour préparer ses chemins (1.76).

Les évangiles de Matthieu et de Jean accentue cette filiation en décrivant Jean vêtu d’un vêtement de poil de chameau qui est une référence à Élie dans le Premier Testament.

Si on suit une lecture canonique des évangiles, ce moment de l’histoire est l’accomplissement d’une annonce qui avait été faite trente ans plus tôt.

Enfin, l’évocation du désert évoque un temps de retour à Dieu.

Pistes d’actualisation

1er thème : Jean, fils de Zacharie

Jean, fils de Zacharie. Qui est Jean ? Les premiers versets de l’évangile disent qu’il est prêtre puisque c’est pendant qu’il accomplissait son service sacerdotal dans le temple de Jérusalem qu’un ange lui a annoncé la naissance d’un enfant qu’il n’espérait plus au regard de son grand âge. Si Zacharie est prêtre, son fils Jean l’est aussi puisque c’est une fonction héréditaire. Si Jean est prêtre que fait-il dans le désert ? Sa place naturelle est d’être dans le temple de Jérusalem à assumer sa responsabilité sacerdotale.

Ce verset est l’annonce d’un message qu’on retrouve régulièrement dans l’évangile : c’est dans le désert et non dans le temple, dans le changement de comportement et non dans le rite, que se prépare la venue du Seigneur. Ce verset contient en filigrane une critique de la théologie du temple qui sera reprise par Jésus.

2e thème : Jean et Ésaïe

Dans la suite de la première piste, le passage cité est issu du prophète Ésaïe. Le propre de ce livre est qu’il s’étale sur deux siècles puisqu’il évoque la chute de Samarie (722) et le retour d’exil (538). Il est enfin facile de repérer trois parties dans le livre si bien qu’on peut se demander pourquoi il n’a pas été divisé en trois livres distincts. Une explication est qu’un thème parcourt tout le livre qui est justement la critique de la théologie du temple qu’on trouve dans le premier et dans le dernier chapitre (Es 1.10-16, 66.1-3). En commençant le ministère de Jésus avec la personne de Jean et la citation d’Ésaïe, les quatre évangiles inscrivent leur message dans la veine d’un prophète qui appelle à un dépassement du temple.

3e thème : L’évangile et l’exil – il se prépare dans le désert

C’est dans le désert que se prépare le chemin du Seigneur. Le passage d’Ésaïe se situe au commencement de la deuxième partie du livre qui évoque l’exil qui est aussi un temps de désert, de retour vers Dieu. Le désert est un lieu de dépouillement, où on se libère du superflu pour retrouver sa pauvreté intérieure, là où le Seigneur vient se nicher.

Pour préparer la venue du Seigneur – ce qui est le thème de l’avent – il faut opérer la démarche intérieure pour se reconnecter avec son intériorité, ce qui est le propre de la démarche spirituelle.

Les temps liturgiques sont une pédagogie. Pendant l’avent on se prépare au nouveau, on combat la dégradation de l’étonnement.

Une illustration : Les montagnes et les vallées

Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. Le père de l’Église Léon le Grand a écrit que « la vallée signifie la douceur des humbles, et la montagne et la colline l’élèvement des superbes… C’est donc à bon droit que les vallées s’entendent dire qu’elles comblées et les montagnes qu’elles seront abaissées. » Par cette allégorie, ce verset reprend le cantique de Marie qui annonce un évangile qui élève les humbles et qui résiste aux orgueilleux : Heureux êtes-vous, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous !… Mais quel malheur pour vous, les riches ! Vous tenez votre consolation ! (Lc 6.20,24)

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Laurence Belling, protestante réformée, chargée de la catéchèse des jeunes dans son église, pour discuter de Luc 3, 1-6 : https://campusprotestant.com/video/jean-le-baptiseur-prophete-de-dieu/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis