7 mars 2021 : Jean 2. 13-25 – Les marchands du temple

Jésus et la religion

Introduction

Le récit de l’expulsion des marchands du temple se trouve à des commencements différents dans les évangiles synoptiques et chez Jean.

Dans les synoptiques, il est situé au moment où Jésus arrive à Jérusalem, juste après les Rameaux, dans la semaine qui conduira à sa crucifixion.

Dans le quatrième évangile, il se situe au commencement du ministère de Jésus, juste après le récit de Cana, comme une explication de la transformation de l’eau des rites de purification en vin du royaume.

Ces deux commencements donnent une dimension programmatique à ce récit dans lequel Jésus précise sa position par rapport à la religion.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

La tradition prophétique

En chassant les marchands du temple, Jésus s’inscrit dans la tradition des prophètes qui parlent par signe. Ésaïe et Michée ont marché nus et déchaussés pour évoquer l’exil à venir, Osée a épousé une prostituée pour dénoncer l’idolâtrie du peuple, Ézéchiel a fait cuire son pain sur des excréments humains pour signifier la détresse de Juda et Jérémie a porté un joug pour représenter l’oppression des Babyloniens. Il y a des paroles qui se disent avec des mots et d’autres qui se disent avec des signes, l’expulsion des marchands fait partie de ces dernières.

Les quiproquos du quatrième évangile

Lorsque les religieux interrogent Jésus sur les raisons de son signe, ce dernier répond : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les religieux ne comprennent pas car ils pensent à l’édifice alors que Jésus parlait de son corps.

L’évangile de Jean est parsemé de ces quiproquos. Quand il parle de l’eau vive à la Samaritaine elle pense à l’eau du puits ; quand il dit à Nicodème de naître de nouveau, il ne voit pas comment il peut retourner dans le sein de sa mère.

Lorsque nous lisons les passages de l’évangile, nous sommes invités à sortir d’une lecture première comme l’ont fait les religieux, la Samaritaine ou Nicodème pour entendre le sens spirituel de ses propos.

Pistes d’actualisation

La Pâque et le temple

Le premier verset dit que l’épisode se situe alors que la Pâque des Juifs était proche. La Pâque est la grande fête religieuse qui fait mémoire de la sortie d’Égypte et de la libération de l’esclavage. Les historiens disent que des milliers d’agneaux étaient sacrifiés pour célébrer la fête. En expulsant les marchands, Jésus conteste cette tradition.

De nos jours, la fête de la Pâque est vécue dans le judaïsme au sein les familles et la table familiale a remplacé le temple. En expulsant les marchands alors que la fête arrive, Jésus anticipe cette évolution ?

L’architecture du temple et la théologie

Le temple était organisé selon une architecture qui reflétait une théologie. Il était construit comme une suite de parvis qui donnent les uns dans les autres. À l’extérieur se trouve le parvis des païens où se trouvent les changeurs – le temple avait sa propre monnaie – et les marchands qui vendaient les animaux à sacrifier. Il était ouvert à tous. Puis il donnait accès au parvis des Juifs interdit aux non-Juifs. De là on avait accès au parvis des hommes interdits aux femmes dans lequel on remettait les animaux aux prêtres qui entraient dans la cour des prêtres où les sacrifices étaient offerts puis se trouvait le lieu saint et enfin le lieu très saint où seul le grand prêtre entrer le jour de kippour, la plus grande solennité religieuse. Selon qu’on était juif ou non juif, homme ou femme, prêtre ou non prêtre et enfin grand prêtre, on avait accès aux différents lieux. C’est cette conception que Jésus a contestée radicalement en chassant les marchands. Quand il a dit : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce », on peut entendre qu’il parlait du vol d’une spiritualité qui était enfermée dans un rite au profit d’une caste de prêtres.

Le rapport au signe

La fin de notre passage dit que beaucoup ont mis leur foi en Jésus à la vue des signes qu’il produisait, il faut entendre ici à la vue des miracles qu’il faisait, mais Jésus ne se fiait pas à eux parce qu’il les connaissait tous. Jésus se méfie de la foi qui ne repose que sur le miracle.

Les sages du judaïsme se sont interrogés sur la raison pour laquelle la génération de l’Exode qui a vu les miracles les plus spectaculaires – les fléaux envoyés à l’Égypte, la mer coupée en deux, la manne et l’eau jaillie du rocher – est aussi la génération qui est tombée dans l’idolâtrie la plus vulgaire en s’inclinant devant un veau d’or qu’ils avaient eux-mêmes fabriqué ? Ils ont répondu qu’une foi qui repose sur le seul miracle est fragile. Une foi enracinée est une foi qui repose sur le long travail d’intériorisation pour que la parole de l’Évangile vienne visiter et convertir nos profondeurs. La foi n’est pas une question d’idée, mais de conversion de notre cœur, notre regard, notre écoute, notre pensée.

Une illustration : La passion jalouse

En voyant Jésus chasser les marchands du temple, les disciples pensent au verset qui dit : La passion jalouse de ta maison me dévorera. Jésus avait une passion, mais une passion contre les enfermements religieux symbolisés par le temple.

Jésus nous appelle à ne pas nous tromper de passion. Martin-Luther King a écrit : « Jésus n’était-il pas un extrémiste de l’amour… Amos n’était-il pas un extrémiste de la justice… Paul n’était-il pas un extrémiste de l’Évangile… la question n’est pas de savoir si nous voulons être des extrémistes, mais de quelle sorte d’extrémistes nous voulons être. Serons-nous des extrémistes pour l’amour ou pour la haine ? »

Pour aller plus loin :
Les pasteurs Antoine Nouis et Florence Taubmann commentent le texte biblique de Jean 2, 13-25 : https://campusprotestant.com/video/dimanche-4-mars-jesus-chasse-marchands-temple/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis