03.10.2021 : Marc 10.2-16 – Jésus et la répudiation

Questions conjugales

Introduction

Nous sommes dans la partie de l’évangile au cours de laquelle Jésus est en marche vers Jérusalem. À l’occasion de ses différentes rencontres, il redéfinit par petites touches les différents champs de la théologie à partir de la perspective de la croix. Dans le texte de ce dimanche et des deux suivants, il aborde trois grands domaines de l’éthique : le rapport à la sexualité, à l’argent et au pouvoir.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

1 – La répudiation

Au temps de Jésus, le mariage ne reposait pas sur une conception romantique de l’amour mais sur la notion de contrat. Le mariage était précédé de fiançailles qui liaient les futurs époux et leurs familles. Le contrat de fiançailles stipulait comment les frais de la noce seraient partagés, la dot que le père de la jeune fille devait verser au futur foyer et le gage de mariage qui devait revenir à l’épouse en cas de décès de l’homme ou de répudiation. La répudiation était possible, mais elle n’était pas si fréquente car elle coûtait cher. Le mari devait restituer à sa femme sa dot ainsi que le montant du gage prévu par le contrat. Si l’homme en avait les moyens, il était plus courant qu’il prenne une deuxième femme et qu’il garde la première plutôt que de la répudier.

2 – La répudiation réciproque

En français, le verbe répudier veut dire « renvoyer sa femme par décision unilatérale du mari. » Dans sa réponse, Jésus déclare : Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet l’adultère envers la première, et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet l’adultère (10.11-12). Une façon pour Jésus de dire : « Pourquoi me demandez-vous dans quelles conditions il est possible à un homme de répudier sa femme et ne me demandez-vous pas dans quelles conditions il est possible à une femme de répudier son mari ? À ces deux questions, celle que vous m’avez posée et celle que vous ne m’avez pas posée, je réponds : Celui qui répudie son conjoint et en épouse un autre est adultère. »

 

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus et l’éthique

À partir de cette réalité sociale, les Pharisiens interrogent Jésus sur une question de droit : dans quelles conditions est-il possible de répudier ? Jésus répond dans un tout autre domaine : il remonte à la Genèse pour tenir un discours différent sur la conjugalité à partir des deux récits.

Il sort le débat sur la conjugalité du registre de la morale (Est-ce que j’ai le droit de faire ceci ou cela ?) pour l’inscrire dans le registre de l’anthropologie (Qu’est-ce que l’humain et à quoi est-il appelé). Dans ce domaine, il dit deux choses.

Au commencement Dieu les fit homme et femme. L’humanité est marquée par la polarité homme-femme, chacun étant l’autre de son conjoint. le couple est le premier lieu où s’expérimente le respect de la différence. Parmi toutes les différences qui structurent l’humanité, se trouve la différence homme-femme.

L’homme quittera son père et sa mère, constitue le couple comme création d’une entité nouvelle. L’homme et la femme ne sont pas invités à reproduire l’histoire de leurs parents, mais à prendre le risque d’écrire leur propre histoire. Ils sont appelés à la liberté, à défricher leur propre chemin

2e thème : La relation homme-femme

Ce verset et celui qui assimile la répudiation à un adultère ont conduit des Églises à interdire le divorce… sauf que le parallèle de l’évangile de Matthieu ouvre cette possibilité en disant : Celui qui répudie sa femme – sauf pour inconduite sexuelle – et en épouse une autre commet l’adultère (Mt 19.9).

Qu’est-ce que l’inconduite sexuelle (porneia en grec) ? L’infidélité ? La violence ? Le mépris ? Il est vrai que la sexualité est au cœur de l’équilibre du couple. Ce que nous entendons dans ce verset, c’est que le couple est tellement important dans la vie que l’échec du couple est aussi l’échec du projet de Dieu pour un homme et une femme.

3e thème : La place de l’enfant

Quand il parle de conjugalité, Jésus parle du couple, mais ce n’est pas un hasard sur le texte suivant évoque l’enfant que les disciples veulent rejeter et que Jésus prend dans ses bras et bénit. L’évangile n’oublie pas que la sexualité donne aussi naissance à des enfants. Ils sont souvent les victimes des tensions du couple des parents, alors qu’ils sont une image du royaume.

En les bénissant, Jésus leur dit qu’ils sont précieux aux yeux de Dieu et qu’eux aussi sont appelés à leur propre histoire.

Une illustration – Quitter son père et sa mère

Dans son travail sur les différents modèles familiaux qui existent dans le monde, Emmanuel Todd a montré que le fait de quitter ses parents distinguait les civilisations entre celles dans lesquelles le fils habite avec sa femme dans la maison des parents et celles dans lesquelles le jeune couple forme un foyer à part. Il a montré que les pays où les enfants quittent leurs parents vivent plus souvent selon un régime démocratique.

Quitter son père et sa mère, c’est prendre le risque de la liberté et quand on prend goût à la liberté, on supporte moins les gouvernements autoritaires.

Peut-être qu’il n’y a pas dans la Bible de verset plus politique que celui-là.

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Laurence Belling, protestante réformée, chargée de la catéchèse des jeunes dans son église, pour discuter de Marc 10, 2-16 : https://campusprotestant.com/video/mariage-repudiation-et-divorce-dans-levangile/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis