Selon Chesterton, si le monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles, la laïcité est une idée chrétienne devenue sage. La bonne santé d’une laïcité positive ne se trouve pas dans l’absence de paroles religieuses, mais dans la qualité du dialogue entre les différents systèmes de croyances.

Pendant longtemps, la religion a été considérée comme le ciment d’une société. La politique de droit divin était légitimée par l’adage : « une foi, une loi, un roi ».

Avec la modernité est apparue la liberté de conscience, l’idée que la foi relevait de la liberté individuelle et non de l’appartenance à une nation. La coexistence de plusieurs religions dans un même pays a été longtemps perçue comme une incongruité, elle est aujourd’hui une évidence.

La question est donc celle de la cohabitation des différents systèmes de croyance dans un même espace. En France, elle est organisée par la laïcité qui associe la liberté de conscience, l’égalité en droit des différentes religions et la neutralité du pouvoir politique en matière religieuse.

La laïcité est un fondement du pacte républicain et une protection contre toute forme de discriminations.

Historiquement, le combat pour la laïcité a longtemps été un combat contre les prétentions hégémoniques de l’Église majoritaire. C’est pourquoi la laïcité est parfois assimilée à une lutte contre les religions. Il faut répondre avec l’écrivain anglais Chesterton que si le monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles, la laïcité est une idée chrétienne devenue sage.

En France, le protestantisme est particulièrement sensible au principe de laïcité, à cause de son attachement à la liberté de conscience, et du fait de sa situation minoritaire. Une laïcité bien comprise est une protection pour les minorités.

Si nous ouvrons notre Bible, plusieurs exemples montrent que, s’il y a de l’anachronisme à y chercher de la laïcité au sens moderne du terme, l’idée d’une séparation entre la religion et le pouvoir politique se trouve à plusieurs endroits.

Commençons par l’Exode qui est le récit constitutif d’Israël comme peuple. Moïse instaure trois ordres distincts : il nomme des juges, des prêtres, et des anciens ; ce qui est une ébauche de distinction entre le juridique, le religieux et le politique. Le premier roi en Israël s’appelle Saül. Il a été choisi par Dieu jusqu’au moment où il a fait une faute particulièrement grave : il a offert un sacrifice alors qu’il n’était pas prêtre. Parce qu’il n’a pas respecté la distinction du politique et du religieux, il a perdu la bénédiction divine.

Deuxième exemple. Dans l’évangile de Luc, un homme est allé voir Jésus pour lui demander de dire à son frère de partager avec lui leur héritage. Jésus a renvoyé son interlocuteur en répondant qu’il n’était pas juge. Les questions d’héritage relèvent du droit civil et Jésus n’a pas été envoyé pour cela.

Troisième exemple, le fameux verset dans lequel Jésus déclare qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Ce verset qui est devenu un aphorisme est une réponse à la question de savoir si on devait payer l’impôt à César. Jésus répond : oui. Autrement dit, il légitime l’autorité politique à côté de sa propre mission religieuse.

Enfin, dernier exemple, à plusieurs reprises, dans les Actes des Apôtres, Paul a été protégé par les autorités romaines contre la foule instrumentalisée par les religieux qui voulaient le lyncher.

Ces dernières années, le débat sur la laïcité a été relancé du fait du développement de pathologies religieuses et notamment du fanatisme musulman.

Quelles réponses pouvons-nous apporter ?

Dans un premier temps, la loi doit protéger une société des extrémistes qui veulent la détruire.

Dans un second temps, la république doit se poser la question de l’apparition des fanatismes. D’où viennent-ils et comment les guérir ?

Dans ce registre, nous voyons s’opposer deux compréhensions de la laïcité. Une laïcité de silence marquée par l’interdiction de toute référence religieuse. Ou une laïcité de la parole qui repose sur l’organisation du débat.

L’essayiste Jean-Claude Guillebaud a écrit : « La laïcité véritable, ce n’est pas le peureuse révision à la baisse des points de vue, c’est leur libre expression dans un rapport robuste et dialogique. »

On ne combat pas l’obscurantisme religieux en interdisant toute référence religieuse, mais en faisant le pari du dialogue et de l’intelligence.

Pour terminer notre propos, un aphorisme.

La santé de la laïcité ne se trouve pas dans l’absence de paroles religieuses, mais dans la qualité du dialogue entre les différents systèmes de croyance.

Production : Fondation Bersier
Texte :  Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier