Matthieu 2.1-12 – Visite des mages

Les mages

Introduction

L’évangile de Matthieu a ceci de particulier qu’il dit que Jésus est né, mais il ne dit rien des conditions de sa naissance. En revanche il raconte la visite des mages qui apportent une dimension universelle à l’événement.

Dimanche dernier, nous avons lu dans l’évangile de Luc la rencontre avec le sage Syméon qui a dit de Jésus qu’il représentait le salut pour tous les peuples et la lumière pour la révélation aux nations (2.31-32). Ce même message est proclamé ici par le récit de la visite des mages.

Avant d’entrer dans le texte, il convient de déconstruire l’image d’Épinal de trois rois qui suivent une étoile pour aller à la crèche. Le texte ne dit pas qu’ils sont trois, il ne dit pas qu’ils sont rois, et l’étoile ne leur a pas montré le chemin depuis l’orient, mais que de Jérusalem à Bethléem.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le massacre des enfants de Bethléem

Parmi les nombreuses anomalies du lectionnaire, le fait qu’il ne propose jamais à notre méditation le récit du massacre des enfants de Bethléem qui est pourtant intimement lié à notre texte.

Il souligne pourtant le tragique de l’histoire qui se révèle dès le récit de Noël. La liberté des mages par rapport au tyran a été payée au prix du sang des enfants.

La naissance Jésus qui a apporté un message d’amour est liée à l’acte le plus cruel qui soit : la mise à mort d’enfants.

La citation du Premier Testament

Pour savoir où devait naître le messie, les scribes convoqués par Hérode associent deux textes du Premier Testament. Le premier issu du livre du prophète Michée, joue sur l’opposition entre la petitesse de la ville de Bethléem et sa grandeur car c’est la ville de David (Mi 5.1) et le second, issu du deuxième livre de Samuel, dit que David est appelé à faire paître son peuple.

L’association de deux versets très différents pour faire apparaître un sens nouveau est déroutante pour nous, mais ce procédé est classique dans la pensée rabbinique pour qui la fécondité d’une interprétation est plus importante que la rigueur exégétique.

Pistes d’actualisation

1er thème : De l’astrologie à la parole­­­

Les mages ont vu l’étoile du roi des Juifs en Orient. Une idée courante dans l’antiquité voulait que la naissance de grands personnages soit signalée par l’apparition de nouvelles étoiles. L’étoile a conduit les mages à Jérusalem, car ce n’est que dans une capitale que pouvait naître un roi, mais c’est la parole qui les a conduits à Bethléem. La foi dans les astres est universelle, mais c’est la parole qui conduit au Christ.

Un adage du Talmud dit qu’il n’y a pas d’astre pour Israël, il voulait dire le propre d’Israël est de passer de la foi dans le destin à la suivance de la Parole.

2e thème : L’or, l’encens et la myrrhe

Ils lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe, les Pères de l’Église ont vu dans ces offrandes les symboles de la royauté (l’or), de la divinité (l’encens) et de la sépulture (la myrrhe). L’or et l’encens font référence au livre d’Ésaïe qui décrit les temps messianiques par l’arrivée de tous les peuples de la terre à Jérusalem : Tu seras couverte d’une foule de chameaux, de dromadaires de Madiân et d’Épha ; ils viendront tous de Saba ; ils porteront de l’or et de l’encens (Es 60.6). Mais la myrrhe ? Dans l’évangile de Jean, elle a été utilisée pour embaumer Jésus. (Jn 19.39)

De même que Syméon a prophétisé devant Marie qu’une épée la transpercera (Lc 2.35), l’offrande de la myrrhe préfigure la croix. Le message de Noël est indissociable de celui du Vendredi saint pour annoncer la venue du fils de Dieu dans un monde traversé par la violence et le tragique.

3e thème : Devoir de désobéissance

Exercés à décrypter les signes du ciel, les mages n’ont eu aucun mal à entendre la fourberie d’Hérode, c’est pourquoi ils désobéissent et ne retournent pas chez le roi comme il le leur avait demandé.

Dans les premières Déclarations des droits de l’homme (américaine en 1776 et française en 1789), figure à côté des droits à la sûreté, à la liberté, à l’égalité et à la propriété, le devoir de résistance à l’oppression : « l’insurrection est le plus sacré des devoirs. » Il existe des lois injustes qui vont à l’encontre de la morale universelle, et des ordres iniques qui ordonnent ce qui est contraire à notre conscience. Dans ces cas la désobéissance n’est pas qu’un droit, elle devient un devoir.

Il est du devoir des parents, des éducateurs et de l’Église d’enseigner l’obéissance aux enfants pour que la vie en commun soit possible, mais aussi la désobéissance lorsque les ordres sont contraires à la conscience et à la morale universelle. La désobéissance a souvent un prix, mais il n’y a que les esclaves qui disent toujours oui.

Une illustration : Ne pas oublier le massacre des enfants

Nous avons relevé que le lectionnaire de propose jamais le récit du massacre des enfants de Bethléem à notre méditation. Il est pourtant une conséquence de la visite des mages.

À propos de ce récit, je voudrais faire partager la lecture qu’en fait Jacques Ellul : « Ce qui à mes yeux scelle irrévocablement l’unité de Jésus et de son peuple, c’est le Massacre des Innocents. La vie de Jésus est d’abord rachetée par le massacre des enfants juifs. Et, que cela nous plaise ou non, c’est ce sacrifice qui va permettre le ministère de Jésus. La décision d’Hérode n’est pas un accident. Ce n’est pas seulement le caprice d’un vieux roi fou. Il y a là un sens spirituel essentiel. Jésus ne peut plus se séparer ni être séparer du peuple juif parce que les enfants de la tribu de Benjamin sont morts non seulement à cause de lui, mais pour lui puisqu’à sa place. »

Pour aller plus loin :
Les pasteurs Antoine Nouis et Amos-Raphaël Ngoua Mouri commentent le texte biblique de Matthieu 2.1-12 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/les_mages_venus_dorient/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis

Cette vidéo est une rediffusion du 28 décembre 2021.